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Les textes et illustrations contenues sur ce site sont protégés par les lois sur le droit d'auteur (sauf indication contraire). Pour citer cet article : Jean-Luc caradeau, www.caradeau.fr, 2016 - L’éradication du catharisme organisée par Saint Louis -La croisade des Albigeois Saint Louis met fin à la croisade... Article publié sous le pseudonyme d’Yves Leclerc dans le n°5 de Histoire des papes et des saints – Août-septembre 2009.
L’éradication du catharisme organisée par Saint Louis - - article - French

L’éradication du catharisme organisée par Saint Louis



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détail du tombeau de Simon de Montfort
Le tombeau de Simon de Montfort


La croisade des Albigeois seconde partie, Saint Louis met fin à la croisade...


Après la mort de Simon de Montfort, son fils Amaury conclut une paix avec le comte de Toulouse et le comte de Foix le 14 janvier 1224, et se rend à Paris pour tenter à nouveau de faire don au roi de France de ses possessions.
La croisade a duré quinze ans. Elle n’a réussi qu’à ruiner le pays d’Oc, le catharisme est toujours présent dans le sud de la France.

Les réticences des rois de France

Pour comprendre l’attitude des rois de France, un retour en arrière s’impose. Philippe Auguste ne voulut jamais se mêler personnellement de cette affaire. Ses lettres en témoignent. Ainsi, en 1222, les évêques de Nîmes et de Béziers se rendent à Paris pour lui transmettre l’offre d’Amaury de Montfort qui désire lui faire don de l’ensemble des terres qu’il a perdues. Parallèlement, le pape Honorius III (1216 -1227) lui répond pour l’inciter à accepter cette offre. Le roi s’en garde bien. Il écrit au comte de Champagne qui avait proposé de se charger de l’affaire albigeoise : « Nous ne voulons pas nous lier dans cette affaire par aucune promesse, parce que nous sommes sur le point d'avoir la guerre avec le roi d'Angleterre ****. Son fils Louis VIII, qui est parti deux fois en croisade en pays d’Oc (1), se montre tout aussi prudent. Sacré le 6 août 1223 en la cathédrale de Reims, il reçoit une lettre d’Honorius III, écrite le 13 décembre, pour l’inciter à accepter l’offre qu’Amaury avait faite à son père. Il refuse ou repousse sa décision à une date indéterminée.
Après la paix de Carcassonne (14 janvier 1224), Amaury de Montfort se rend à Paris et rédige un acte de donation de ses terres au bénéfice du roi de France (daté de février 1224). La lecture des dernières clauses de cet acte est édifiante. Il stipule que cette donation n’est valable que si le pape satisfait aux demandes que lui fait le roi par l’intermédiaire de l'archevêque de Bourges, et les évêques de Langres et de Chartres****... Et Amaury de Montfort conclut :
« Sinon je ne donne rien ». Le roi a visiblement dicté ces dernières clauses et pose ses conditions. Elles sont fort élogieuses au regard du pouvoir du pape, mais témoignent d’une grande méfiance envers ta parole du Saint-Siège (2). Ces conditions tiennent en neuf articles qu’il rédige par la suite avec la collaboration de l’archevêque de Bourges et des évêques de Langres et de Seniis. Il exige une bulle authentique certifiant que les comtes de Toulouse « Raimond père et fils et leurs héritiers **** ont été exclus à perpétuité de la possession du comté de Toulouse et de ses dépendances, que tous leurs alliés et ceux qui se sont opposés ou s’opposeront à cette entreprise ont perdu toutes les ter res qu’ils détenaient dans le royaume de France. La possession de toutes ces terres doit lui être confirmée comme seigneur principal à lui et à ses descendants. Enfin, il impose au pape comme légat l’archevêque de Bourges et demande qu’il soit doté d’une juridiction et de pouvoirs étendus « pouvoir, entre autres, de réconcilier à ['Église ceux qui feront une satisfaction convenable; que la légation de ce prélat s'étende sur [... toutes les] provinces qui peuvent apporter quelque utilité ou quelque obstacle à cette affaire; que ce prélat ait enfin la même autorité qu’exerçait Conrad évêque de Porto légat d'Albigeois... ». En outre, il veut que l’opération soit financée par une décime prélevée sur les revenus du clergé.
Comme il est en guerre avec l’Angleterre, le roi veut que le pape lui obtienne une trêve de dix ans, et l’empereur germanique ayant des arrière-fiefs proches du Languedoc, il exige aussi que le pape obtienne de lui et de ses vassaux une promesse de non-intervention. Si ses exigences sont satisfaites, il s’engage à prendre personnellement la tête d’une croisade en pays albigeois.
Pour résumer, le roi de France veut bien partir en croisade, s’il tire tous les bénéfices de cette guerre, si le légat lui est tout dévoué, à condition que le pape finance l’opération et s’assure par sa diplomatie qu’il ne sera pas inquiété par ses voisins. On ne peut être ni plus prudent, ni plus méfiant. Honorius III accepte et charge le cardinal de Porto d’aller obtenir de l’empereur Frédéric II (1220-1250) les promesses exigées par le roi de France. Arrivent alors à Rome les ambassadeurs de l’empereur. Ces derniers viennent demander du secours d’urgence pour la Terre Sainte. Le pape suspend toutes les opérations en Europe afin que les efforts de toute la chrétienté se portent vers l’Orient. La croisade de Louis VIII est reportée à une date indéterminée...
Le roi en profite immédiatement pour tenter de se débarrasser de cette affaire. Il écrit avec une indignation réelle ou feinte(3) le 5 mai 1224(4) : « Puisque le pape ne juge pas à propos de nous accorder tes demandes raisonnables que nous lui avons faites [....], nous protestons publiquement [...] que nous n'en sommes plus chargé *** ». Comme par ailleurs Honorius III lui demande d’obtenir une paix avec le comte de Toulouse, Raimond VII, il lui répond que les affaires de foi sont des affaires d’Égli-se. Qu’il consent à ce que celle-ci « s'accorde avec Raimond », sous réserve qu’on n’attente pas à ses droits et que l’on : « n'impose à Raimond aucun fardeau nouveau ou inusité. ». Enfin, il conclut en affirmant qu’il a demandé au légat « ... qu'il ne nous parlât plus à l'avenir de cette affaire, dont nous sommes entièrement déchargé »***.

Arnaud Amaury change de camp

Pendant ce sursis providentiel, Raimond VII continue de consolider ses positions. À la Pentecôte 1224 (30 mai), Arnaud Amaury, archevêque de Narbonne(5) lui propose d’entrer en conférence en vue de sa réconciliation avec l’Église à Montpellier. Après une seconde réunion, tenue au même lieu le ier août, Raimond envoie une ambassade au pape, laquelle n’obtient aucune réponse. Honorius III nomme un nouveau légat en pays albigeois (le cardinal Romain de Saint-Ange, précepteur de Louis IX) qui convoque un concile à Bourges devant lequel Raimond et Amaury comparaissent. Le légat demande à chaque archevêque de débattre du cas en particulier avec ses évêques et de lui donner ensuite réponse par écrit en leur faisant jurer de ne la communiquer jamais à personne d’autre. Le concile se sépare donc sans rien décider... Le cardinal Saint-Ange a manœuvré de façon à pouvoir prendre seul la décision. Il affirmera par la suite que la réponse des évêques était négative et demandera à louis VIII de prendre la tête d’une nouvelle croisade en Albigeois.
Bien qu’il ne veuille plus entendre parler de cette affaire, Louis VIII ne peut guère refuser de partir en croisade. Il accède donc à la demande du légat le 18 janvier 1226. Ce dernier excommunie le jour même Raimond VII et ses alliés ainsi que, par avance, tous ceux qui pourraient faire obstacle à l’entreprise. Pendant ce temps, le roi se fait remettre par Amaury un nouvel acte de donation. Il en obtient un également de Gui de Montfort(6). Le 30 janvier, Louis VIII et les barons acceptent la croix des mains du légat, et Amaury est nommé connétable de France. Le légat accorde au roi pour financer sa croisade la décime sur les revenus du clergé pour cinq ans. Le 5février, il écrit à tous les archevêques de France pour les informer de ces décisions et leur demande de faire prêcher la croisade.
En pays d’Oc et au-delà, les préparatifs sèment la panique. Beaucoup de sei-gneurs font soumission au roi de France en présence de leur évêque. Jacques d'Aragon (1213-1273) accepte de retirer son soutien à Raimond VII. Sanche, comte du Roussillon, son conseiller (1190-1241 ou 42), par une lettre du 29 avril, offre au roi de France tous ses domaines pour faire la guerre aux hérétiques. Le roi d’Angleterre même, après une lettre du pape et sur avis de son conseil, renonce à porter secours à Raimond. Louis VIII et son armée de pèlerins arrivent à Lyon le jour de l’ascension 1226 (le 28 mai-4 juin en style grégorien). Sont assemblés, d’après les chroniqueurs***, cinquante mille cavaliers et plus encore de piétons. Apprenant l’approche d’une armée si importante, les habitants de nombreuses villes des États de Raimond font soumission avant même son arrivée ; c’est notamment le cas d’Avignon. Notons que la ville est terre d’empire.


Le siège d’Avignon

Les Avignonnais ne souhaitent pas voir une telle armée traverser leur ville. Ils construisent donc un pont de bois sur le Rhône à l’extérieur des remparts. L’armée arrive devant Avignon la veille de la Pentecôte (6 juin-13 en style grégorien). Le 7, trois mille hommes traversent le Rhône sur ce pont. Le roi et le légat exigent que le reste de l’armée passe par l’intérieur de la ville. Les Avignonnais refusent. Comme le roi et le légat insistent, ils rompent le pont, tuent quelques Français et refusent de livrer les vivres (déjà achetés en ville par les croisés). Louis, indigné, assiège Avignon le 10 juin (17 en style grégorien). S’appuyant sur un décret du légat publié la veille, le roi écrit à l’empereur pour lui expliquer qu’il « regardait les Avignonnais comme “hérétiques des recéleurs et des fauteurs d’hérétiques”***. Cependant, Raimond se sait trop faible pour affronter une telle armée en rase campagne. Il a fait enlever tous les vivres et tout le bétail et les a fait transporter en lieu sûr, privant ainsi ses ennemis de ravitaillement. Le siège se prolonge, les vivres s’épuisent et une épidémie se déclenche. Enfin, le 12 septembre, Avignon capitule. La croisade traverse le Rhône, et tout le pays fait sa soumission jusqu’à quatre lieux (16 km) de Toulouse. Le roi confie le gouvernement de l’ensemble du pays qu’il a conquis sans combattre à Humbert de Beaujeu (1198-1250).
L’armée arrive à Montpensier (Puy-de-Dôme). Louis VIII tombe malade et meurt le 8 novembre(7).
Louis IX est sacré le 29 novembre 1226 en la cathédrale de Reims, mais il n’est pas majeur et sa mère Blanche de Castille est régente du royaume. La croisade s’interrompt pour un temps. Le comte de Toulouse en profite pour prendre quelques forteresses et quelques fiefs du Languedoc se remettent sous l’autorité de leur ancien seigneur.

Le concile de Narbonne institue l'inquisition

Ces faits sont connus par le canon 17 du concile de Narbonne tenu par l’évêque de cette ville durant le carême 1227 : « Nous ordonnons [...], de dénoncer excommunier les Dimanches et les Fêtes, au son cloches et à cierges éteints(8), Raimond fils du comte Raimond autrefois comte de Toulouse, le comte de Foix, et Trencavel que l'on appelle vicomte de Béziers, les Toulousains hérétiques, leurs croyants, fauteurs, défenseurs et receleurs; mais surtout ceux de Limoux et autres qui avaient fait serment au seigneur Louis roi France d'heureuse mémoire, et qui ensuite se sont retirés de l'Église ; avec... [tous ceux qui ont commerce avec eux] et d'abandonner leurs biens et leurs personnes au premier occupant. » (au premier qui s'en saisira, NDLR). En ce qui concerne les hérétiques, le concile confirme simplement les dispositions prises antérieurement et par son canon 14 « enjoint aux évêques d'instituer dans toutes les paroisses des témoins synodaux ou inquisiteurs de l'hérésie et autres crimes manifestes. »****.
De nombreuses églises de France protestent. Le roi continue de prélever la décime, alors qu’il a interrompu la guerre en Albigeois. Le légat apporte son appui au roi et à la régente : il les autorise à contraindre les églises et les monastères et à saisir leurs biens.
Tout rentre donc dans l’ordre et le roi utilise les sommes ainsi récoltées pour envoyer des renforts à Humbert de Beaujeu qui entreprend de récupérer le terrain perdu. Il assiège notamment dans le courant de l’été 1227, le château de Labé-cède-en-Lauragais (Aude) commandé par Olivier de Termes (v. 12oo-1274)(9). Alors que Humbert se prépare à donner l’assaut, la plupart des assiégés prennent conscience de leur infériorité numérique et s’enfuient. Cette victoire est l’occasion d’un grand massacre : « Les autres furent passés au fil de l'épée ou assommés à coups de pierres par les François. L'évêque de Toulouse (10) tâcha autant qu'il pût de sauver la vie aux femmes et aux enfants de ce château, qui étaient de son diocèse ; mais on ne fit aucune grâce à Gérard de la Mole diacre hérétique, et à ses compagnons, qui furent tous pris et brûlés vifs. »* C’est le début d’une campagne qui permettra de reprendre de nombreux châteaux. Elle semble se terminer avant l’hiver, car beaucoup de places fortes sont regagnées par Raimond VII au cours du premier semestre 1228. Au printemps, les troupes françaises ravagent méthodiquement le Toulousain. Humbert et l’évêque de Toulouse ont divisé l’armée en trois corps. Le premier fourrage(11) les moissons, le second détruit les maisons fortes, le troisième arrache les vignes. Ensuite, l’armée va soumettre te comté de Foix.

Grégoire IX veut la paix

Honorius III s’éteint le 18 mars 1227. Grégoire IX (1227-1241) qui lui succède, confirme en décembre 1228 le cardinal de Saint-Ange dans sa légation, étend considérablement ses pouvoirs et lui ordonne d’œuvrer à la paix en Languedoc. En particulier, il « lui donna pouvoir, en cas qu'on pût y parvenir par le mariage de l'un des frères du roi avec la fille du comte, de dispenser de la parenté qui était entre eux. »
En accordant cette dispense à l’avance, le pape montre sa volonté de parvenir à une solution négociée.
A la fin de l’année, Olivier de Termes et son frère Bernard se soumettent à Narbonne (le 29 novembre), faisant don au roi de France de leurs châteaux et de leurs vassaux en échange de leur réconciliation avec l’Église et d’un serment de fidélité au roi. Vers la même période, le légat Romain de Saint-Ange envoie, auprès de Raimond VII, Elie Guarin, abbé de Grand-Selve (Haute-Garonne) avec des propositions de paix. Le 10 décembre, Raimond confie à l’abbé les pleins pouvoirs pour négocier en son nom les conditions de paix. En janvier 1229, il approuve par lettres la rédaction de divers articles proposés par l’abbé. Au printemps 1229, Raimond négocie en personne à Meaux. Le 12 avril 1229 (12), Jeudi saint, il est à Paris en compagnie du légat devant le parvis de la cathédrale Notre-Dame en vue de la proclamation du traité et de sa réconciliation avec l’Église.
Le traité est publiquement lu, le roi en approuve les termes. Ensuite, Raimond VII prononce le serment d’usage, lequel reprend les termes du traité. Il promet en outre d’aller servir durant cinq ans en Terre Sainte pour l’expiation de ses péchés et prend acte du mariage de sa fille avec le frère du roi (avec dispense de l’Église), et du fait que le comté de Toulouse qui lui est rendu reviendra à ce couple ou, s’ils meurent sans héritier, au roi de France. Il jure d'observer les 21 articles du traité, Ensuite se déroule un cérémonial spectaculaire : la réconciliation et l’absolution de Raimond VIl qui est conduit à l’autel, nu pieds et en chemise.
Comme un roi de France n’est jamais trop prudent et ne se méfie jamais trop de la papauté, le futur Saint Louis se fait remettre quelques jours plus tard une nouvelle donation par Amaury de Montfort. Ce qui montre qu’aux yeux du conseil du roi, cette donation était suspectée d’illégalité. Quant à Raimond, il se constitue prisonnier jusqu’à la réalisation des principales clauses du traité. Sa détention ne durera qu'un mois et demi. On n’en connaît pas les conditions (il est libéré à la Pentecôte le 3 juin (13). De son côté, Louis IX révoque toutes les donations qui ont été faites par son père ou par Simon et Amaury dans l’étendue des terres rendues au comte de Toulouse. Les fiefs, dont la donation est annulée par le roi, seront rendus soit à leur légitime propriétaire, soit au comte de Toulouse qui récupérera par la suite une grande partie de ses domaines (dès sa libération, le roi le fait chevalier et lui rend le Rouergue). Louis IX publie ensuite une ordonnance qui ne fait que reprendre les décisions des divers conciles et en préciser les modalités d’application pratique. Alphonse, frère du roi, est officiellement fiancé à Jeanne de Toulouse, leur mariage ne sera célébré que huit ans plus tard car ils sont tous deux nés en 1220.
La guerre est achevée et la paix est marquée par de nombreux arrangements entre Louis IX et le comte de Toulouse(14). À l’instigation de ce dernier, le comte de Foix se soumet et récupère une grande partie de ses domaines, soit des mains du roi, soit de celles du comte de Toulouse (15) (à qui le roi les avait remis). De fait, une fois la paix conclue, entre gentilshommes tout semble aller pour le mieux... A la mort d’Alphonse de Poitiers (21 août 1271) et de Jeanne de Toulouse (25 août 1271), Philippe le Hardi hérite du pays d’Oc et ajoute à ses nombreux titres ceux du comte de Toulouse. Le comté devient donc un domaine du roi(17).

De diocésaine l’inquisition devient Pontificale

En Languedoc, si pour les princes tout va bien, il n’en est pas de même pour les gens du peuple qui subissent les conséquences de vingt années de conflits armés, et certains restent fidèles au catharisme, Le concile de Toulouse qui se tient en novembre 1229 a tout lieu de les inquiéter puisqu’il établit les modalités de fonctionnement de l’inquisition instituée par le concile de Narbonne. Il interdit de posséder des livres de l’Ancien et du nouveau Testament à cause de « l’abus » qu'en font les hérétiques (la mesure sera reprise par le concile de Trente pour les mêmes raisons). Le concile (qui rassemble clergé et barons) promulgue une série de décrets à caractère policier destinés à assurer le maintien de la paix et anéantissement de l’hérésie. S’ensuivront de nombreux bûchers tant individuels que collectifs (lors de la prise des dernières « forteresses cathares »).
En 1232, Grégoire IX, par la bulle llle Humani generis(17) informe les évêques qu'il confie aux dominicains la lutte contre l’hérésie en France et dans les pays voisins. En 1233, le pape leur associe, pour le Languedoc, l’ordre des frères mineurs. De diocésaine qu’elle était, l’inquisition devient pontificale. Elle n’en sera que plus ardente ! Et elle s’étendra à toute l’Europe occidentale... On juge les vivants, on les condamne au feu ou au mur(18) (puis on les confie au bras séculier qui exécute la sentence ...) ou, si leurs péchés sont véniels, on leur impose un pèlerinages (par exemple quelques années Terre Sainte à guerroyer ou soigner les malades). On juge aussi les morts, que l'on fait déterrer et brûler. Le nombre des condamnations est très important : selon Philippe Valode**, de 1241 à 1242, en Quercy, l’inquisiteur Pierre Cella prononce plus de sept cents sentences dans neuf villes petites ou moyennes (ce qui représente au maximum 25 000 à 30 000 habitants). En deux ans, il condamne donc environ 3% de la population. C’est beaucoup, mais les sanctions s’appliquent aussi aux recéleurs d’hérétiques et à ceux qui ont eu « commerce avec eux soit pour vendre soit pour acheter », ce qui est réaffirmé par chaque concile depuis celui de Tours (1163). Par ailleurs, compte tenu des procédures employées, bien des hommes ont dû, pour cesser de souffrir, avouer ce dont on les accusait.

Pourquoi Grégoire IX instaure-t-il l’inquisition ?
L’établissement de l’inquisition ne marque pas le début de la répression des hérétiques, mais la prise en main de celle-ci par le Saint-Siège. En 1020, l’inquisition n’existe pas, mais 24 chanoines reconnus hérétiques sont mis à mort sur le bûcher à Orléans. Bien avant, tribunaux d’Église et tribunaux laïques s’associent pour réprimer l’hérésie que la loi assimile à un crime de lèse-majesté. Le souverain est en effet responsable des âmes de ses sujets (lire les clés pour comprendre l’an 1000 dans le n°l). Celui qui pratique ou répand une doctrine non conforme à celle de l’Église perd son âme et insulte le souverain qui est, en son pays, le « modèle du chrétien » (cf. la citation du futur Pie II dans l’article qui lui est consacré ). En créant l’inquisition, le Saint-Siège se dote d’un corps de théologiens et de juristes spécialisés, dépendant directement du pape, ce qui en théorie assure leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs civils”. Il se dote aussi de tribunaux, dont la procédure déroge aux lois communes : pas de défenseur, et noms des témoins à charge non communiqués au prévenu. En ce qui concerne l’inquisition médiévale, la procédure n’est pas fixée et chaque inquisiteur l’organise comme il l’entend.
Lire pour plus de précisions l'article sur la naissance de l'Inquisition
Le pouvoir illimité de l’inquisiteur
Jusqu’en 1257 (bulle Ad extirpenda), les tribunaux d’Église ne peuvent ordonner la torture appelée « question ». Ils requièrent donc les tribunaux civils pour la faire exécuter, quand ils la jugent nécessaire. Cependant, le droit canon (comme le droit romain) connaît des graduations dans la preuve. Ainsi, la dénonciation et la diffamation sont pour les tribunaux d’inquisition des éléments de preuve, de même que la véhémente suspi-cionn. Le tribunal n’a donc pas besoin de preuve formelle ou d’aveux pour condamner. La question sera surtout utilisée dans les procès pour sorcellerie (au XVe siècle). Le pouvoir de l’inquisiteur est énorme, car c’est son intime conviction et celle de ses assesseurs qui décide de tout. Du début à la fin du procès, tout est soumis à leur appréciation. Il y eut parmi eux des fanatiques et d’autres à qui l’on reprocha leur clémence ou leur peu d’empressement à réprimer les hérétiques. Cette opposition est bien dépeinte par Umberto Ecco dans Le Nom de la rose, avec ses deux personnages, Guillaume de Baskerville et Bernado Gui.
Trois inquisitions
Ajoutons qu’il y eut trois inquisitions différentes, qui ne doivent pas être confondues : l’inquisition médiévale (bulle Excommunicamus, 1231), l’inquisition espagnole (fondée en 1478) et portugaise (1531), l’inquisition romaine (Congrégation de l'inquisition romaine et universelle), fondée en 1542, rebaptisée Sacrée Congrégation du Saint-Office en 1909. Elles ont eu des procédures et des méthodes différentes et chacune fera l’objet d’une étude particulière dans un prochain numéro (rappelons que cet article fut publié dans la revue Histoire des papes et des saintsn°5)
Lire pour plus de précisions : l'article consacré à l'inquisition espagnole
 


La « rapacité » des rois de France et autres présupposés...

On a beaucoup glosé à propos de la croisade des albigeois. Certains en attribuent la cause réelle à la « rapacité des rois de France ». Il ressort au contraire de leurs écrits qu’ils n’ont agi que contraints par la nécessité de ne pas se fâcher avec le Saint-Siège. Sur le plan des territoires, les plus lésés seront l’empereur (Avignon, entre autres) et le roi d’Aragon (la vicomté de Carcassonne, entre autres) à qui le royaume de France ne rendra jamais leurs fiefs en Languedoc.

La survie du catharisme, précurseur de la Réforme

Nul ne sait dans quelle mesure le catharisme survécut. Les inquisiteurs trouvent, durant les siècles qui suivent, beaucoup de cathares. Philippe le Bel devra même intervenir pour limiter leurs excès à Carcassonne en 1291. Trois choses sont certaines. L’hérésie est internationale et un temps dans la clandestinité, d’autant que, pour beaucoup, elle se relie au sentiment national occitan. Certains cathares émigrent en Lombardie où l’hérésie demeure. La croisade albigeoise laisse en pays d'Oc une amertume à l'égard de l'Église catholique romaine qui en fera au XVe siècle un terrain favorable pour les prédicateurs de la Réforme. Enfin, officiellement, le dernier parfait, Guilhem Bélibaste, meurt sur le bûcher en 1321 à Carcassonne*.


(1) La première croisade de Louis VIII a lieu en 1215. À cette époque, Simon de Montfort a conquis tout le pays, et Raimond VI a abdiqué. Simon n’a nul besoin de renforts et il semble que les prétentions du roi de France sur les terres du Languedoc l’inquiètent plus que d’éventuelles révoltes locales.
Lors de sa seconde croisade, en juin 1219, ses troupes participent à la prise de Marmande puis au siège de Toulouse mais elles rentrent à Paris, ayant accompli les quarante jours de service qui lui donnent droit aux indulgences, alors que les troupes de Simon sont en difficulté.
(2) On peut comprendre la méfiance de Louis, sachant que le Saint-Siège n’a jamais tenu parole à l’égard de Raimond VI.
(3) Nous penchons pour une indignation feinte. Louis VIII ne peut pas ignorer l’importance des affaires d’Orient
(4) Le 12 mai en style grégorien.
(5) Ancien abbé de Cîteaux, ancien légat de la croisade, à qui Simon et Amaury de Montfort avaient contesté le duché de Narbonne au IV* concile du Latran (lire la première partie de l’article dans le précédent numéro), ce qui explique probablement son changement de camp. Il décédera le 29 septembre 1225.
(6) Oncle d’Amaury
(7) Le 20 novembre en style grégorien.
(8) Pour la signification des cierges éteints, lire l’article sur Jean XIX dans ce numéro.
(9) Il devient par la suite un fidèle du futur Saint Louis et meurt en combattant à ses côtés au siège de Saint-Jean-d'Acre, Royaume de Jérusalem (actuel Israël).
(10) Foulques de Marseille (1206-1231), bienheureux vénéré le 25 décembre.
(11) Coupe pour les utiliser comme fourrage.
(12) 19 avril en style grégorien.
(13) 10 juin en style grégorien.
(14) Par exemple, Raimond VII échange ses domaines du Rouergue et du Quercy contre le non-paiement de la rente annuelle qu’il devait verser au royaume de France.
(15) Il est vassal du comte de Toulouse.
(16) Pour la majeure partie de ses fiefs, le comte de Toulouse devait hommage au roi de France.
(17) Le titre d’une bulle se compose des premiers mots de la première phrase. Celui-ci est trop fragmentaire pour que la traduction puisse en être certaine : Celui qui a créé les hommes ?
(18) Peine de prison à vie, enchaîné à un mur. En 1314, les dignitaires du Temple préféreront le bûcher à cette mort lente.



Bibliographie
* jean Louis Gasc Les Cathares ,T rajectoire, 2007 (pour la doctrine cathare). L'acheter sur Amazon.
** Philippe Valode Cinq siècles d’inquisition. Trajectoire 2007.l'acheter sur Amazon
*** M. Q. de Parctelaine Histoire de la guerre contre les Albigeois, Paris, 1833. Lire sur Google Books
**** Histoire générale du Languedoc tome 5- BNF -, dom Claude de Vie et dom Joseph Vaissète, tome V (Toulouse, 1842), faits, chartes, lettres, versions d’un historien anonyme en langue d’Oc. Lire sur le site de la B. N. F.
***** Chanson de la croisade contre les Albigeois, traduction Paul Meyer 1879. Lire sur le site de la B. N. F.
****** Marie Delclos & Jean-Luc Caradeau Éternelles guerres de religions, Trajectoire 2008. Acheter sur Amazon





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